Mercredi 26, jeudi 27, vendredi 28 novembre 2008
J'ai tout préparé hier soir, afin de ne pas perdre de temps au matin, car c'est encore une journée très dure qui s'annonce.
Je suis sur le vélo à 6 h 30.
Surprenant: après 50 km de route défoncée, 30 km d'une route parfaite, un superbe billard en pleine brousse, et luxe insensé, avec des panneaux de signalisation neufs, sur la distance séparant Saraya du futur site d'exploitation du minerai de fer d'Arcelor-Mital. Mais pourquoi avoir fait les choses dans le désordre? Car ces 30 km ne servent strictement à rien! Personne sur la route, j'ai dû croiser deux voitures... Je ne comprends pas.
Bouffé par les taons! Des nuées de taons, qui se développent spécialement dans cette zone séparant Saraya de la Falémé! Vois un peu, cher Alex quel accoutrement je dois supporter en pleine chaleur! Et ces scuds insectes trouvent à me piquer au travers!
Puis 20 km épuisants de piste défoncée par les travaux préparant la future route. Spectacle étrange encore: 20 km de chantier complètement désert, sans âme qui vive: chantier abandonné en attendant les hypothétiques financements qui permettront un jour la reprise des travaux.
Là, ce n'est qu'un marigot, pas la rivière encore...
Passage de la Falémé très éprouvant: j'arrive vers 13h.
Au poste de police, le fonctionnaire de service n'arrive pas à comprendre que mon visa est valable un mois à compter de mon entrée au Mali. En fait, il cherche un angle pour.... « Et le ca-do! » geignard, en final. « Comprenez-moi, on ne peux pas se faire d'argent, on peut rester des semaines sans qu'il ne passe personne ici. »
Là, je n'y coupe pas! Une bande de gamins tourne autour de mon vélo resté à l'extérieur. Je savais que ce passage de frontière était difficile! Je donne une bricole de 500 CFA au policier, lui laissant mesurer l'étendue de ma générosité. Le passeur en chef, et qui trône au poste de police, a le monopole des pirogues. Impossible de ne pas passer par lui. Heureusement, la veille, à force de chercher, j'avais rencontré un type le connaissant et dont j'avais noté le nom, que je balance à l'instant. Je m'en tire pour seulement 2500 CFA, ce qui est très très bien, comparé au prix de départ qu'il demandait.
Le site de la Falémé est très beau. Hélas, ayant caché tout signe de richesse, je ne peux pas faire de photos. Sur les deux rives du fleuve, une nuée de gerfaux m'attend pour me soutirer quelque chose. Il faut, pour rester maître de la situation, toujours plaisanter, et faire mine de négocier. Je propose donc de payer une partie du passage en donnant ma carte du Sénégal, achetée en France et concervant l'étiquette: 8,40 euros. Je barratine, disant que cette carte au Sénégal vaut bien 6000 CFA, et qu'on peut la revendre facilement 10 000 à un toubab faisant le trajet inverse. Tout ça pour gagner du temps et pouvoir ré-harnacher correctement mes bagages. Au bout du compte, je distribue quelques cachous, je donne une bouteille vide à un gamin, et offre généreusement ma carte au moins hargneux des adultes. Bien vu, car sans son aide, je n'aurais pas pu gravir les rives du fleuve!
Mais le plus dur m'attend encore.
Les vingt derniers kilomètres sont terribles, sur un sentier muletier tantôt sableux, tantôt accidenté. Pour trente mètres sur le vélo, il y en a 300 à pousser. Vingt fois je tombe de vélo, et dois reprendre mon souffle pour soulever les 70 kilogrammes... J'avance à deux ou trois kilomètres à l'heure. Sur les derniers kilomètres, un bulldozer a été passé par l'entreprise chinoise chargée de la construction de la prochaine route, et là, c'est foutu, complètement labouré, impossible d'avancer. Je commence à espérer un hameau pour demander l'hospitalité.
Aujourd'hui, le Grand Gaby vient de l'Empire du Milieu. C'est un Chinois de l'entreprise qui me sauve de l'épuisement sur les cinq derniers kilomètres, en transportant mon chargement dans la benne de son 4X4 jusqu'à l'unique campement de Kéniéba.
Et quel campement! Le plus pauvre qu'on puisse imaginer! Un sol de terre battue , un lit au drap sale et déchiré à force d'usage, un toit de tôle ondulée. Un trou pour les toilettes, un seau pour se laver qu'il ne faut pas oublier de remplir au bon moment, quand il y a de l'eau dans les tuyaux.
Au moins j'y suis au repos pendant deux jours.
Dans la nuit, tout brûle alentours.
Beaucoup d'Africains déplorent ces incendies, dont ils savent qu'ils sont causés volontairement par le braconniers, entre autres. Depuis que je suis parti de Kaolack, il y a plus d'un mois, je ne vois que feu et fumées, j'entends crépiter le long des routes, et les arbres calciner. Oui, la déforestation est bêtement en marche. Les arguties des quelques partisans du feu ne parviennent pas à convaincre les Africains eux-mêmes. Ce sont de vieilles pratiques qui ne cadrent plus avec l'urgence écologique que nous connaissons.
Premiers
contacts avec le Mali, paisible, assoupi dans la chaleur de l'ouest. Car je suis bien à l'Ouest, maintenant...
A l'Ouest du Mali!
Ce qui surpend en arrivant ici, c'est la disparition de « Donne-ca-do ». Au début, on ne comprend pas... Un gars sur le chemin qui m'accompagne, va à mon rythme, et sans rien me demander... Et ici les marmots qui viennent me dire « Bonjour Toubab », avec un grand sourire. Je prête l'oreille, j'attends... « Donne-ca-do » n'est pas là... La gentillesse, simplement.
Hélas, par rapport à mes projets, il me faut à nouveau déchanter: la falaise de Tambaoura oppose un obstacle que je ne pourrai pas franchir avec mon vélo chargé: c'est de l'ordre de l'impossible. Les sentiers ne sont faits que pour les ânes, ou peut-être de très bons 4X4, encore que... De plus, il faut absolument que je trouve une banque avec billeterie acceptant ma carte VISA, sans quoi je vais être coincé. Une seule solution, remonter vers le Nord à 250 km, et passer par Kayes, ville que je voulais pourtant éviter!
J'ai donc encore plusieurs jours de piste avant de retrouver un peu de civilisation, Internet, l'eau courante, une banque... et peut-être, ô miracle, une boîte de cassoulet!
Ici, régime bananes-oranges-pastèques. A part ça, c'est le riz africain avec une boîte de sardines...
Alex! Je rêve de choucroute, la nuit...