... l'Aurore aux doigts de rose »
Vendredi 17 10 08
Réveillé assez tôt, ce matin, vers quatre heures. D'habitude, à Reims, lorsque cela m'arrive, j'allume mon ordinateur pour lire le dernier courriel que tu m'as envoyé, cher ami virtuel.
J'ai traîné un peu, j'ai écouté de la musique, j'ai lu un peu, et je suis allé sur le pont, dire un petit bonjour au pilote qui, lui, n'avait pas dormi de la nuit. Il m'a fait remarquer que nous avions dépassé le détroit des Canaries vers une heure du matin.
Puis, je suis allé m'installer tranquillement à attendre le lever du soleil.
La matinée s'est lentement écoulée. C'est fou ce que refaire un courriel peut prendre de temps! J'en ai donc écrit un à l'Espace
Thialy, pour confirmer aux gérants que mon bateau arriverait à Dakar Dimanche vers quatre heures du matin.
Petite promenade sur le pont, lecture, promenade, une petite heure de guitare, et ainsi de suite. Un stress, mon pauvre Alex, un stress, si tu savais!
Le capitaine était tout occupé à mettre en place les chaises et les alentours de la petite piscine, qu'un matelot nettoyait.
C'est incroyable que sur cette montagne de ferraille où le chef a tant à faire, il s'occupe personnellement de ses deux passagers. Il manquait ainsi une ampoule avant hier, et il s'est chargé lui-même de la changer, pour notre confort de lecture. Mais quand je lui ai proposé de l'aider, ce matin, il m'a à peine regardé, a prononcé un « no... » furtif en hochant un peu de la tête, et c'était tout. Une heure plus tard, il est venu me voir, avec un léger sourire, le regard qui pétille, et très vite, s'éclipse dès le premier mot: « The swimming pool is ready ».
Je suis donc allé me baigner cet après-midi. Très agréable, eau à 25 degrés, que les marins trouvent froide!
Très drôle! Le moteur du bateau pulse à 150 battements à la minute, et la surface de l'eau est animée des mêmes vibrations, reçues de plusieurs endroits, je ne sais trop pourquoi. Or, comme dans les vieilles expériences de physique qui me rappellent mon jeune temps, il se produit entre ces différentes sources des interférences, avec des ventres et des noeuds de vibrations , de sorte que les vibrations se ressentent différemment selon l'endroit où l'on se trouve dans la piscine. Si on place soi-même son ventre sur un ventre, on est par résonance animé des mêmes vibrations – et s'il te plaît! ne pas faire d'interprétations hors propos! Bon, c'est vrai... des ventres et des noeuds...Bon.
Et lorsqu'on chante, voilà ce que ça donne:
Je pense qu'on pourrait faire dans cette piscine une excellente pataugeoire thérapeutique, propice aux expériences corporelles des enfants autistes! Imagine un peu un établisement transféré sur un cargo!
Et c'est ainsi qu'une journée s'écoule: même pas le temps de s'ennuyer, c'est tout de même terrible!
Et ce soir, attention! ce soir, c'était le barbecue!
Depuis plusieurs jours, on m'en parlait, avec un plaisir anticipé. C'est un événement qui a de l'importance, dans la vie de l'équipage. Toutes les sécurités automatiques sont mises en fonctionnement, un roulement est prévu pour les postes de surveillance, et tous les autres matelots se retrouvent autour des barbecues. Et là, ce n'est pas n'importe quoi! Saucisses, steaks, poissons, lards, calamars, gambas, côtes, etc... Le choix et la quantité. La bière, la sangria, le punch coulent à flot, sans que personne ne soit malade. Tout le monde rit, s'amuse, le capitaine raconte ses vacances avec sa famille, on parle de tout, comme dans tous les barbecues du monde. Certes, les matelots se regroupent autour des tables entre Philippins ou Suédois, car la discussion est plus aisée. Mais cela n'empêche pas les échanges.
Le chef mécanicien, que tu vois ici à gauche à une table de Philippins, à côté du seau de sangria, nous a expliqué que les cargos qui ont été construit dans les années 70 sont encore meilleurs que les plus récents, à condition que la maintenance ait été correcte. Ceci est dû à la pression des actionnaires qui veulent aujourd'hui avoir leurs bénéfices importants et font que les chantiers tirent sur la qualité. Quand le bateau arrive à ne plus être assez sûr, on le fait passer sous pavillon de Panama ou du Libéria, et il continue sa carrière de la sorte...
Et voilà, une journée qui se termine comme elle a commencé, avec le soleil sur l'horizon.
Rien d'étonnant, non?